Ode aux femmes expatriées
Si j’évoque mon rôle d’e-psy et ma consultation à distance, immanquablement à un moment ou un autre, j’explique qu’une majorité de ma patientèle est, de fait, expatriée. Comme une grande majorité des psys, les femmes sont plus nombreuses à nous consulter, non pas parce qu’elles ont plus de problèmes que les hommes, mais bien parce qu’elles se prennent plus aisément en charge et souhaitent progresser. En parlant d’elles, je sens pourtant poindre parfois un air de dédain avant qu’on me dise « Ah oui, des femmes d’expat ! », sous-entendant que je me trouve face à une population privilégiée aux problèmes de riches. Elles auraient bien le temps de couper les cheveux en quatre pendant que leur conjoint, lui, bosse et court le monde pour offrir à sa famille les moyens de se prélasser.
C’est alors que je me fais un malin plaisir d’expliquer ce que ces femmes m’enseignent de leur vision de l’expatriation. Il est vrai que les hommes expatriés ont souvent des jolis postes dans de grandes compagnies, où ils travaillent beaucoup mais touchent des salaires bien confortables, compte tenu de leur pays d’adoption. Lorsque leurs compagnes me consultent, c’est très souvent pour expliquer leurs difficultés à trouver leur place et pour exprimer leurs souffrances liées à l’abandon de leur propre carrière. Elles ont bien souvent renoncé à leur avenir professionnel pour assumer, souvent seules, la logistique quotidienne de la famille.
Par ailleurs, ces « femmes d’expat » ne sont pas la majorité ! Il est temps de revoir notre idée de l’expatriation qui a évolué au rythme du développement des projets humanitaires. En effet, elles sont nombreuses à être « femmes expat » plutôt que « femme d’expat », un « d » de taille. Et, souvent au sein de missions humanitaires, ces femmes-là prennent des risques dans les zones de conflit, organisent des rapatriements de réfugiés, gèrent les conséquences de catastrophes écologiques, font pousser des légumes sur des terrains peu accueillants.
Elles œuvrent pour la paix, la planète et et le mieux-être. Bref, elles s’expatrient au nom du sens et non des sous ! Certaines sont parties avec des enfants à charge. Moins nombreuses sont celles qui ont réussi à se faire accompagner de leur partenaire, tant il est encore rare que des hommes mettent leur carrière en veille au profit de celle de leur femme. Toutes ont en commun la force du courage, le choix d’une forme d’abnégation, le goût de marquer leur époque, et l’ambition de donner un sens à leur vie. Alors, certes, elles ont besoin de se tourner vers du soutien, car ces vies-là sont peut-être parfois difficiles à vivre. Sur le globe lumineux qui trône en face de mon bureau, je suis leur parcours dans des destinations qui ne sont en rien des lieux de vacances. Avec ou sans « d », je salue leur courage, leur sens de l’abnégation, et leur capacité à prendre en plus, sur leur temps libre, celui de suivre un chemin personnel de questionnement à travers ma consultation nomade.