La rentrée d’une ‘expat’

La rentrée d’une ‘expat’

Elle déménage. Encore. Elle ne quitte pas son quartier. Elle ne change pas de station de métro, elle change de pays. Elle embarque sa fille, ses cartons. Elle aura à apprendre la ville, investir un nouveau poste, parler une autre langue, trouver l’appartement, l’école, la nounou. Elle devra aussi rencontrer de nouveaux amis, prendre des repères, finir par apprécier son quotidien.

Le courage de cette femme qui écrit sa vie – différente par essence – différente par naissance. Elle n’est pas d’ici, son passeport est français mais sa ville de naissance est bien loin. Après quelques courtes années dans son pays d’origine, ses parents ont migré. Elle ne se souvient de rien, dit-elle, de ses premières années. Elle adore la France, plus que beaucoup. Depuis quelques années, elle s’était établie sur cet autre continent, dans une ville pas si loin sur la mappemonde de sa ville de naissance, à quelques milliers de kilomètres tout de même. Mais elle en repart et cette fois elle revient dans sa ville de naissance. Hasard et opportunité professionnelle. Elle m’offre la chance de l’accompagner à distance dès mon bureau dans l’exploration de son horizon personnel. Alors, je la suis dans tous les sens du terme, en thérapie, blottie dans sa tablette jusqu’à sa nouvelle destination.

Aujourd’hui, elle porte en plus la vie. Elle ne le savait pas quand elle a accepté ce nouveau poste : encore plus difficile, plus exigeant. Ils seront au final un de plus à vivre l’aventure, et cet enfant naîtra dans la même ville que sa mère. Par hasard ! me dit-elle… L’histoire est belle.

C’est la rentrée pour tous, expatriés compris. Ils ont passé leurs vacances en France pour la plupart, et ont repris le chemin de leur pays de résidence.

Partir loin de ses repères, au début c’est souvent pour s’alléger. Changer d’horizon allège. On laisse derrière soi bien des choses que l’on a le sentiment de connaître par cœur. On s’extrait un peu d’un milieu familial, d’un pays dépressif, d’un environnement professionnel cloisonné, d’un passé, de lieux chargés. On respire, on étend son territoire, on change de climat, et d’horizon. Un bol d’air !

Mais la vie s’installe partout. Très vite, on navigue dans un quartier avec des habitudes, et on se laisse gagner par le quotidien. Où que l’on aille, le quotidien est toujours du voyage. Il y a peu, partir loin signifiait encore peu de possibilités de lien avec le passé : les communications étaient difficiles, les trajets étaient longs. Aujourd’hui, internet oblige, on suit en live la vie des siens, on écrase le décalage horaire, on répond dans l’instant. Paradoxe de l’éloignement, on se sent parfois exclu de la vie des autres, puisqu’on la suit sans pouvoir y être présent physiquement. Les expatriés ont alors le sentiment que l’on ignore la réalité de leurs nouvelles contingences. Peu d’entre eux disposent d’une oreille capable d’entendre qu’ils rencontrent des difficultés. Un choix, ça s’assume ! Prière d’afficher une vie légère et sans soucis.

J’aime la compagnie des expatriés, leur regard ouvert sur le monde, leur conscience qu’il y existe des ailleurs. En cette rentrée de septembre, je pense à ceux qui osent rebattre leurs cartes géographiques. Et tout particulièrement, je pense au bébé qui verra le jour au bout du monde d’ici peu.