Dans mon cabinet nomade (ou comment je suis devenue e-psy)
Qui mesure l’immobilisme du thérapeute vissé huit heures par jour des années durant au même endroit ? Comment garder l’esprit ouvert en restant dans un lieu si rétréci ?
Il y a 6 ans, j’ai rencontré mon conjoint, qui n’habitait pas Paris. J’y consultais. J’aimais mon métier, mais beaucoup moins la sédentarité inhérente à la profession.
Mon compagnon était professeur à Dublin, il m’invitait à le rejoindre. Pas question pour moi de quitter mon métier passionnant, et surtout mes patients ! Je leur ai donc proposé de m’accompagner via Skype. Au départ, lors de mes passages à Paris, je continuais à consulter chez moi. Mais très vite la pratique à distance a marqué des points en plus. Mes patients m’avaient suivie, et semblaient tout aussi impliqués dans leur travail de thérapie, tout aussi assidus, voire plus. Les résultats étaient bons, eux comme moi y trouvions avantage.
A ma première consultation, je sentis que le fameux transfert garant de la réussite était au rendez-vous, je sus que c’était gagné. Pendant cette année à Dublin, je m’imprégnais de cet état d’esprit easy going propre aux Irlandais, je consultais de la maison et, petit à petit, mon travail s’est joué des distances y trouvant même d’autres horizons. En dehors des problèmes techniques occasionnels, qui n’iraient qu’en s’améliorant, tout était devenu plus simple, plus fluide.
Finalement, c’était une voie pionnière, avec un nouveau cadre thérapeutique efficace et flexible, mieux adapté à la vie actuelle.
Puis, le buzz faisant son office, de nouveaux patients issus d’horizons différents et parfois bien lointains arrivèrent. Les uns étaient isolés en rase campagne, dans une toute petite ville ou au bout du monde, expatriés ou mobiles. Mes Parisiens préféraient ne pas perdre de temps en transports, ils me consultaient de chez eux ou du bureau. Où que l’on soit, la souffrance est la même, le besoin d’aide aussi. Ceux qui ont trouvé le chemin de mon e-cabinet connecté forment aujourd’hui la plus variée des patientèles.
Depuis, chaque jour, je voyage immobile. En un clic je franchis les continents, les cultures, les environnements et les problématiques locales. Je passe du Canada à l’Asie, de la Belgique à la Suisse, de la Bretagne à Lyon. Ici on se lève, là on vient de coucher les enfants, chez moi il est toujours le milieu de l’après-midi. J’appartiens au monde au sens large. Je consulte donc où que je sois. Ainsi je me partage sans aucun problème entre Paris et Arles.
En interaction avec le monde, loin d’être un huis-clos, la thérapie se doit d’évoluer sans cesse. Les outils numériques ouvrent l’ère des e-thérapies.
Face aux réticences de l’immobilisme institutionnel, souvent teintées d’inquiétudes quant au maniement des nouvelles technologies, il ne s’agit plus de se demander si la thérapie peut se décliner à distance, mais plutôt, comment offrir, à l’aide des outils numériques qui ont bouleversé tous nos repères, des thérapies efficaces et modernes.